Avis CADA n°20203634 du 19 novembre 2020 reçu le 10 décembre 2020.
Monsieur X a saisi la commission d’accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 30 septembre 2020, à la suite du refus opposé par la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion à sa demande de publication en ligne des éléments et documents se rapportant à l’index d’égalité professionnelle, à savoir : 1) la documentation technique de l’application web de saisie et collecte des données ; 2) le code source de cette application ; 3) le modèle de données (incluant notamment la liste des tables, des champs et de leurs descriptions) de la base de données sous-jacente à cette application ; 4) un export complet, dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé, de la base de données à date ainsi que de ses mises à jour futures, sans filtrage sur la taille des entités et incluant notamment, pour chaque déclaration et en sus des champs déjà publiés, la tranche d’effectifs, le nombre de salariés pris en compte pour le calcul des indicateurs sur la période de référence et l’adresse du site Internet de publication ou la précision des modalités de publicité.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion a informé la commission, d’une part, que la documentation technique et le code source de l’application de collecte des données de l’index de l’égalité professionnelle étaient accessibles sur le site « la fabrique numérique des ministères sociaux » (https://www.fabrique.social.gouv.fr/startups/egapro/), d’autre part, que le modèle de données de la base de données sous-jacente à l’application était communicable et, enfin, qu’un fichier excel recensant l’adresse des sites internet de publication des résultats de l’index de l’égalité professionnelle avait été communiqué au demandeur le 14 août 2020.
La demande est donc irrecevable en ses points 1) et 2) et sans objet en son point 4) dans la mesure de la liste des sites de publication des résultats de l’index ; elle doit enfin recevoir un avis favorable en son point 3).
S’agissant du point 4) de la demande, la commission estime que, formulé en ces termes, elle ne porte pas, comme dans l’avis n° 20193265 du 25 juin 2020, sur l’ensemble des données communiquées à l’administration par les entreprises soumises à l’index de l’égalité professionnelle (indicateurs et résultat agrégé), mais sur les seuls résultats agrégés de l’ensemble des entreprises soumises aux dispositions des articles L1142-8 et suivants du code du travail, c’est-à-dire celles d’au moins cinquante salariés, alors que n’est actuellement en ligne sur le site du ministère chargé du travail que le résultat de l’index de l’égalité professionnelle des entreprises de plus de 1000 salariés.
La commission rappelle, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L1142-8 du code du travail, « Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, l’employeur publie chaque année des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et aux actions mises en oeuvre pour les supprimer, selon des modalités et une méthodologie définies par décret ». Conformément au X de l’article 104 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, ces dispositions sont entrées en vigueur au plus tard le 1er janvier 2019 pour les entreprises de plus de deux cent cinquante salariés et au plus tard le 1er janvier 2020 pour les entreprises de cinquante à deux cent cinquante salariés. Aux termes de l’article L1142-10 du même code, « Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque les résultats obtenus par l’entreprise, au regard des indicateurs mentionnés à l’article L1142-8, se situent en deçà d’un niveau défini par décret, l’entreprise dispose d’un délai de trois ans pour se mettre en conformité. A l’expiration de ce délai, si les résultats obtenus sont toujours en deçà du niveau défini par décret, l’employeur peut se voir appliquer une pénalité financière. (…) ». Enfin, la commission relève, d’une part, que selon l’article D1142-4, le niveau de résultat mentionné à l’article D1142-3 est publié annuellement, au plus tard le 1er mars de l’année en cours, au titre de l’année précédente, sur le site internet de l’entreprise lorsqu’il en existe un et d’autre part, qu’aux termes de l’article D1142-5, les indicateurs définis aux articles D1142-2 et D1142-2-1, ainsi que le niveau de résultat mentionné à l’article D1142-3, sont mis à la disposition du comité social et économique, selon la périodicité fixée à l’article D1142-4, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L2312-18. Les résultats sont présentés par catégorie socio-professionnelle, niveau ou coefficient hiérarchique ou selon les niveaux de la méthode de cotation des postes de l’entreprise. Ces informations sont accompagnées de toutes les précisions utiles à leur compréhension, notamment relatives à la méthodologie appliquée, la répartition des salariés par catégorie socio-professionnelle ou selon les niveaux de la méthode de cotation des postes de l’entreprise et, le cas échéant, des mesures de correction envisagées ou déjà mises en oeuvre.
La commission constate que le législateur et le pouvoir réglementaire ont prévu que seul le niveau de résultat global est obligatoirement rendu public, à l’exclusion des indicateurs qui le composent, par les entreprises elles-mêmes lorsqu’elles possèdent un site internet.
La commission rappelle, en second lieu, qu’aux termes du premier alinéa de l’article L312-1-2 du code des relations entre le public et l’administration, « Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, lorsque les documents et données mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 comportent des mentions entrant dans le champ d’application des articles L311-5 ou L311-6, ils ne peuvent être rendus publics qu’après avoir fait l’objet d’un traitement permettant d’occulter ces mentions. »
Aux termes de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, ne sont communicables qu’à la personne intéressée, les documents faisant apparaître le comportement d’une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice.
La commission estime, ainsi qu’elle l’a indiqué dans ses avis n°20144761 du 8 janvier 2015 et n°20170596 du 27 avril 2017, que la liste des entreprises qui ne respectaient pas la réglementation en matière d’égalité professionnelle, n’était pas communicable aux tiers dès lors qu’elle révélait de la part de ces dernières, un comportement susceptible de leur porter préjudice. Cette position a été confirmée par le Conseil d’Etat (CE, 3 juin 2020, Association « pouvoir citoyen », Association « les éffronté-e-s », n° 421615).
En l’espèce, la commission considère que la liste des entreprises dont le résultat global des indicateurs est inférieur au seuil déclenchant la période de correction de trois ans sous peine de sanction financière est également susceptible de révéler de leur part un comportement susceptible de leur porter préjudice et, à supposer qu’une extraction de la base de données détenue par l’administration des résultats des seules entreprises dont le résultat excède ce seuil soit techniquement possible sans faire peser sur elle une charge de travail déraisonnable, ce qui implique qu’elle puisse avoir lieu par un traitement automatisé d’usage courant, que la publication de cette seule liste, dès lors que l’ensemble des entreprises de plus de cinquante salariés est soumis à l’index de l’égalité professionnelle, serait, par elle-même, de nature à révéler le comportement fautif de celles qui n’y figurent pas.
Elle en déduit qu’en l’absence de disposition législative autorisant la mise en ligne, par le ministère chargé du travail, des résultats des entreprises à l’index de l’égalité professionnelle, les dispositions du premier alinéa de l’article L312-1-2 du code des relations entre le public et l’administration font obstacle au point 4) de la demande. Elle émet, par suite, un avis défavorable sur ce point.