Brouillon de mémoire complémentaire :
A Paris, le 27 mai 2020
Objet : dépôt d’un mémoire complémentaire sur la publication de documents relatifs à l’IEP de Paris et aux subventions accordées par les organismes publics
Madame, Monsieur,
Le mémoire en défense du 12 mai 2020 appelle les observations suivantes de la part de l’association requérante.
Sur l’obligation de diffusion publique
Le défendeur reconnaît avoir communiqué par courrier électronique les documents demandés. L’alinéa 1 de l’article L312-1-1 prévoit que ces documents, ayant été communiqués sur demande, doivent faire l’objet d’une diffusion publique par voie de publication en ligne. Cette diffusion impliquerait la communication par voie de publication en ligne. Le défendeur ne peut refuser ce qui découle immédiatement d’obligations légales qui lui sont imposées.
Le défendeur a donc excédé son pouvoir en refusant de publier les documents demandés par voie de publication en ligne.
Sur l’impossibilité technique de publier les documents demandés
Le défendeur argumente que la communication demandée ne peut être réalisée dans la limite de ses possibilités techniques. Pour cela, il invoque deux arguments.
D’une part, « le MACP ne dispose pas de plateforme de diffusion pour cette catégorie de documents » .
L’article L322-6 du CRPA prévoit : « Les administrations qui produisent ou détiennent des informations publiques tiennent à la disposition des usagers un répertoire des principaux documents dans lesquels ces informations figurent. Elles publient chaque année une version mise à jour de ce répertoire. »
La tenue de ce « Répertoire des Informations Publiques » (RIP)1 offre à l’administration éditrice les possibilités techniques dont il est question ici. Les ministères économiques et financiers, dont fait partie de MACP, tiennent bien un RIP2. Il est donc établit que le MACP dispose effectivement d’une « plateforme de diffusion pour cette catégorie de documents » .
D’autre part, « que cela supposerait des moyens techniques et humains supplémentaires qu’il ne détient pas » . L’exception au principe de communicabilité des documents administratifs évoquée ne porte que sur les moyens techniques, et non pas sur les moyens humains. En ce qui concerne les moyens techniques à mettre en œuvre, le défendeur ne fonde son appréciation sur aucun élément concret. En particulier, il ne fait ni mention du nombre, ni du volume des documents, qu’il reconnaît par ailleurs avoir réussi à communiquer par courrier papier et par courrier électronique.
Le défendeur n’ayant pu justifier en quoi le moyen invoqué s’applique au cas présent, il est inopérant.
Sur la tutelle de la FNSP
Le défendeur précise que les documents demandés ont un lien avec un organisme dont il n’est pas la tutelle financière, et qu’il n’est pas en possession de l’intégralité des documents demandés. L’obligation de publication ne s’appliquant qu’aux « documents produits ou reçus » , selon les termes de l’article L300-2 du CRPA, le défendeur est donc fondé à refuser la communication des documents demandés qu’il ne détient ni ne produit.
Mais le défendeur va plus loin. Arguant du fait que l’organisme en question et sa tutelle technique « sont beaucoup plus à même de transmettre les documents demandés par l’association Ouvre-Boîte » , il en déduit que seuls l’organisme en question et sa tutelle sont soumis à l’obligation de communication des documents détenus en commun par l’ensemble de ces administrations. Ainsi, le défendeur émet le souhait suivant : « La responsabilité de publication devrait relever des organismes concernés ou des ministères chargés de la tutelle technique. » Ce conseil de bon sens va pourtant à l’encontre de la solution choisie par le législateur, qui a prévu que l’obligation de communication s’étende à tous les « documents produits ou reçus » sans qu’il n’entende laisser l’administration décider unilatéralement si elle est, ou non, la meilleure à même de répondre à la demande qui lui est adressée.
Néanmoins, le législateur n’a pas été aussi négligent que le défendeur voudrait le laisser croire. Reconnaissant que l’identification du meilleur interlocuteur n’est pas chose facile pour le demandeur, il a prévu à l’article L114-2 du CRPA que « Lorsqu’une demande est adressée à une administration incompétente, cette dernière la transmet à l’administration compétente et en avise l’intéressé. » Si le MACP s’était estimé incompétent pour tout ou partie de la demande, il était tenu de la transmettre à l’administration qui lui semblait la mieux à même d’y répondre. Ce qu’elle n’a pas fait.
Le défendeur conclut son mémoire par l’invocation de la menace suivante : « Répondre favorablement à la demande de publication en ligne des documents communiqués à Ouvre-boîte créerait pour la direction du budget une obligation de publication de tous les documents relatifs à tous les organismes dont elle assure la tutelle financière ou suit la gestion sans qu’elle n’en exerce formellement sa tutelle. La direction n’a aucunement les moyens techniques et humains pour assumer une telle charge de travai l . »
Cette manifestation d’inquiétude ignore les considérations qui suivent :
Premièrement, une demande portant sur « tous les documents relatifs à tous les organismes dont elle assure la tutelle financière ou suit la gestion sans qu’elle n’en exerce formellement sa tutelle » serait, au vu de la position actuelle de la CADA3, qualifiée de trop imprécise, donc irrecevable.
Deuxièmement, l’obligation dont il est question ne porte que sur les documents ne faisant pas déjà l’objet d’une diffusion publique (article L311-2 du CRPA). De plus, ces documents budgétaires présentant manifestement un intérêt économique et social, ils doivent déjà faire l’objet d’une diffusion publique en vertu de l’alinéa 4 de l’article L312-1-1 du CRPA. Ne resterait concernés que les documents qui, par négligence de l’administration « beaucoup plus à même » de procéder à leur diffusion, ne sont toujours pas portés à la connaissance du public. L’influence du ministère de l’action et des comptes publics est grande dans l’établissement des priorités adressées aux administrations dont il a la tutelle, puis dans l’évaluation de leur action. En l’occurrence, le ministère des comptes publics porte une responsabilité importante dans l’application, ou la non-application, du droit d’accès aux documents administratifs. Il n’est donc pas déraisonnable que le ministère de l’action et des comptes publics soit lui-même intéressé à la bonne application du droit d’accès à cette catégorie de documents administratifs.
Enfin, il est difficilement compréhensible, en l’absence de justification étayée par des éléments factuels, que l’adaptation des modalités de communication des documents budgétaires depuis les administrations sous tutelle vers le ministère de l’action et des comptes publics afin de donner au public l’accès à ces informations, requière des « moyens techniques et humains » dont ne disposent pas déjà les administrations concernées. Est-il aujourd’hui plus difficile de communiquer un document en le téléversant sur une plateforme d’échange d’informations publique (RIP, plateforme data.gouv.fr ou autre) que par courrier électronique ? Il est bien ici question d’habitudes, que le ministère de l’action et des comptes publics est en mesure, plus que toute autre administration, de faire évoluer afin de satisfaire aux attentes de la société civile déjà prises en compte par le législateur.
1 https://www.dila.premier-ministre.gouv.fr/repertoire-des-informations-publiques/qu-est-ce-que-le-rip
2 https://www.economie.gouv.fr/cedef/repertoire-des-informations-publiques
3Voir par exemple https://www.cada.fr/20060413