À Paris, le 17 avril 2020,
Objet : Dépôt d’une requête sur la communication et la réutilisation de l’application SOLON
Madame, Monsieur,
Je vous formule la présente requête suite au refus du secrétariat général du gouvernement à notre demande de communication et de réutilisation de documents relatifs à l’application SOLON.
L’association à intérêt à agir par son objet (pièce 1). L’article 9 des statuts de l’association (pièce 1) donne pouvoir au conseil d’administration pour me mandater à cette fin (pièce 2).
1 Faits
Présentation de l’association requérante
L’association Ouvre-boîte, RNA W751238177, dont le siège social est sis 23 rue Greneta, 75002 Paris, est une association dont l’objet est d’obtenir l’accès et la publication effective des documents administratifs, et plus particulièrement des données, bases de données et codes sources, conformément aux textes en vigueur.
L’association œuvre dans cette optique depuis plusieurs années, afin de permettre aux citoyens et contribuables français d’obtenir l’accès à des données et documents auxquels ils sont autorisés à accéder, voire, dans certains cas, qui devraient être communiqués d’office par l’administration, mais qui ne l’ont pas été. Ouvre-boîte s’inscrit ainsi dans le mouvement continu de la transparence administrative et de sa concrétisation moderne avec les données ouvertes, ou « open data ».
La notion de transparence administrative s’ancre profondément dans la construction démocratique française, la Révolution française ayant notamment comme racines le défaut d’État de droit et de redevabilité de l’administration1. Elle est ainsi proclamée par l’article 15 de la Déclaration des droits de 1789, qui dispose que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ». Ce principe a été suivi à la fin du XIXe siècle par plusieurs lois qui prévoyaient des mesures de publicité, notamment par affichage, pour des décisions administratives. La revendication d’un droit d’accès des citoyens aux documents administratifs remonte aux années 1960 avec trois arguments avancés : le public, mieux éduqué a « le droit de savoir » ; l’administration, critiquée pour son goût du secret, a intérêt à améliorer son image en ouvrant ses dossiers ; l’accès à l’information détenue par l’administration est un moyen de faire adhérer l’opinion aux projets collectifs. Saisie d’un projet de loi qui tendait à améliorer les relations entre l’administration et le public, l’Assemblée Nationale transforma le texte qui devint le titre Ier de la loi du 17 juillet 1978 intitulé « de la liberté d’accès aux documents administratifs ». Cette ouverture est contemporaine d’une consécration généralisée de ce que le Conseil d’État nomme le « droit de savoir », dont les deux autres piliers sont le droit d’accès aux archives publiques et à ses données personnelles2.
L’action de l’association Ouvre-boîte s’inscrit ainsi pleinement dans ce contexte d’ouverture. C’est ainsi que l’association a obtenu la libération de plusieurs jeux de données d’utilité publique, désormais librement accessibles par tout citoyen3, ce dont la presse s’était fait l’écho4 5. L’association œuvre ainsi à ce que les droits d’accès et de libre réutilisation soient mieux connus de ceux qui pourraient en bénéficier : l’objectif de l’association Ouvre-boîte est de faciliter l’application de ces droits.
Pour ce faire, Ouvre-boîte vulgarise les moyens à disposition de tous : demande gracieuse, recours gracieux, saisine de la CADA, saisine de l’AGD, recours contentieux… Ouvre-boîte est également une communauté d’entraide et de partage d’expertise sur la libération des documents administratifs. Qu’ils soient citoyens, associations, entreprises ou administrations, Ouvre-boîte apporte une aide à tous ceux qui souhaitent disposer d’un accès à un document détenu par une administration. Mais Ouvre-boîte cherche aussi à trouver des solutions aux obstacles rencontrés par les administrations quand elles souhaitent publier leurs documents. Ouvre-boîte précise le cadre juridique auquel sont astreints les fonctionnaires, qui n’ont pas toujours une vision claire de ce qu’ils peuvent ou ne peuvent pas libérer. Ouvre-boîte propose une expertise technique pour la libération de données ou de codes sources, lorsqu’un audit ou une extraction complexe est nécessaire. Enfin, Ouvre-boîte cherche à valoriser l’action des administrations qui s’engagent dans l’ouverture de leurs documents et leur donne les moyens de communiquer au mieux sur leurs efforts de transparence
Détails de la procédure
L’association requérante a adressé le 26 novembre 2018 au secrétariat général du gouvernement une demande (pièce 3) portant sur :
1. la communication du code source de l’application SOLON, ainsi que de ses mises à jours, par voie de publication en ligne ;
2. la réutilisation de ce code source ;
3. la communication de la liste des titulaires de droits de propriété intellectuelle sur l’application SOLON, s’ils devaient exister ;
4. la communication de l’ensemble des contrats ayant fait naître des droits de propriété intellectuelle sur l’application SOLON, ainsi que les dossiers de consultation des entreprises relatifs, s’ils devaient exister.
N’ayant pas répondu dans le délai d’un mois prevu par l’article R311-13 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA), le secrétariat général du gouvernement a produit un premier refus implicite.
La requérante a saisi la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) le 22 janvier 2019 (pièce 4). A ce jour, la CADA n’a toujours pas rendu son avis.
Au terme du délai de deux mois courant à partir de la saisine de la CADA, le secrétariat général du gouvernement a rendu un deuxième refus implicite. Ce refus est l’objet du présent recours.
2 Discussion
Sur le refus de communication
Le code source de l’application SOLON, ainsi que les contrats et dossiers de consultation des entreprises demandés, entrent dans la catégorie des documents administratifs telle que définie par l’article L300-1 du CRPA : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions. »
Aux termes de l’article L311-1 du CRPA, les administrations sont tenues de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande. Cette publication peut se faire au choix du demandeur par voie de publication en ligne, comme le prévoit l’article L311-9 du CRPA.
L’article L312-1-1 du CRPA étend l’obligation de publication en ligne aux mises à jour des documents communiqués.
Pour ces raisons, le secrétariat général du gouvernement a excédé son pouvoir en refusant la communication des documents demandés.
Sur le refus de réutilisation
L’article L321-1 du CRPA dispose que « Les informations publiques figurant dans des documents communiqués ou publiés par les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300-2 peuvent être utilisées par toute personne qui le souhaite à d’autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle les documents ont été produits ou reçus. ».
Le secrétariat général du gouvernement a donc excédé son pouvoir en refusant la réutilisation du code source de l’application SOLON.
Par ailleurs, l’article L322-5 garantit que « Lorsqu’un tiers est titulaire de droits de propriété intellectuelle portant sur un document sur lequel figure une information publique, l’administration qui a concouru à l’élaboration de l’information ou qui la détient indique à la personne qui demande à la réutiliser l’identité de la personne physique ou morale titulaire de ces droits ou, si celle-ci n’est pas connue, l’identité de la personne auprès de laquelle l’information en cause a été obtenue. »
Le secrétariat général du gouvernement a donc excédé son pouvoir en refusant la communication de la liste des tiers détenteurs de droits de propriété intellectuelle sur l’application SOLON, si toutefois ces tiers existent.
Sur l’article L761-1 du code de justice administrative
L’association estime à 400 euros ses frais afférents au présent recours, correspondant à 4 heures de travail évaluées au taux horaire de 100 euros : 3 heure pour l’étude du dossier, 1 heure pour la rédaction du mémoire.
3 Conclusions
Par ces motifs, et tous autres à produire, déduire, suppléer, au besoin même d’office, l’association requérante conclut à ce qu’il plaise au tribunal administratif de :
• enjoindre le secrétariat général du gouvernement à publier en ligne le code source de l’application SOLON ainsi que ses mises à jours, dans un délai d’un mois ;
• enjoindre le secrétariat général du gouvernement à permettre la réutilisation du code source de l’application SOLON, par exemple par l’établissement d’une licence mentionnée à l’article D323-2-1 du CRPA, dans un délai d’un mois ;
• enjoindre le secrétariat général du gouvernement à communiquer la liste des titulaires de droits de propriété intellectuelle sur l’application SOLON, s’ils devaient exister, dans un délai d’un mois ;
• enjoindre le secrétariat général du gouvernement à communiquer l’ensemble des contrats ayant fait naître des droits de propriété intellectuelle sur l’application SOLON, ainsi que les dossiers de consultation des entreprises relatifs, s’ils devaient exister, dans un délai d’un mois ;
• soumettre le secrétariat général du gouvernement à une astreinte de 500 euros par jour de retard pris dans la publication en ligne du code source de l’application SOLON,
• prendre toute autre mesure d’exécution qu’il jugerait nécessaire,
• mettre à la charge du secrétariat général du gouvernement la somme de 400 euros sur le fondement de l’article L761-1 du code de justice administrative.
4 Liste des pièces justificatives
Pièce 1 : Statuts de l’association Ouvre-boîte
Pièce 2 : Mandat
Pièce 3 : Demande du 26 novembre 2018
Pièce 4 : Saisine de la CADA du 22 janvier 2019